Intégrer l’hypnose en consultation diététique

« Vous faites de l’hypnose ? ». Question posée parfois avant même la prise de rendez-vous, qui sous-entend l’espoir d’une baguette magique (?). Objet de nombreuses idées reçues, j’ai souhaité clarifier à quoi pouvait ressembler la pratique de l’hypnose dans le cadre des consultations diététiques.

Petit exercice !

Avant de lire la suite, je vous invite à prendre un papier et un crayon, et à poser quelques mots sur ce que le mot “hypnose” vous évoque.

Puis “diététique”

Puis “hypnose” et “diététique” ensemble.

C’est fait ? Bravo ! Poursuivez votre lecture…

Ce que l’hypnose n’est pas

Ca n’est pas une baguette magique, cela ne va pas miraculeusement faire fondre les kilos. Hélas, une minorité de personnes dévoient ces outils, usent d’arguments marketing surfant sur la vague amaigrissologue pour vendre des séances, ce qui dessert tous ceux (nombreux) qui ont une éthique de travail. Ces représentations ont pu être intériorisées par les personnes qui en effet viennent avec une demande et une attente pressantes.

Voici quelques termes relevés sur les réseaux sociaux autour d’approches à fuir :

  • « obtenez la meilleure solution pour perdre du poids »,
  • « perte de poids garantie avec l’hypnose »,
  • « avec l’hypnose j’ai obtenu des résultats exceptionnels, j’ai créé une séance pour vous aider à vous libérer des grignotages »,
  • « l’hypnose pour fondre » (avec une belle image – subliminale ou pas – de glace),
  • « séance offerte contre témoignage » (on repassera pour l’éthique),
  • « perte de poids rapide avec l’hypnose »,
  • « extreme rapide weight loss hypnosis and stop emotionnal eating »,
  • « hypnothérapie spécialisée dans les pertes de poids importantes »,
  • « le pack pour perdre sereinement, perdez en moins de 3 semaines »,
  • « méthode révolutionnaire, mon cabinet affiche complet » (et on vous propose une promo à saisir immédiatement)…

Je pourrais continuer… tout cela, je ne l’ai pas inventé, hélas ! Cela contribue à des représentations fortement erronées autour de l’hypnose en lien avec la démarche de changement dans le soin diététique.

L’hypnose ericksonienne

Loin de l’hypnose de spectacle, l’hypnose, notamment le courant ericksonien (du psychiatre américain Milton H. Erickson) , s’est intégrée au monde de la santé. Le patient est plongé dans un état de conscience modifié, qui n’est ni plus ni moins équivalent à celui dans lequel on se trouve lorsqu’on est absorbé dans un livre ou un film : nous pouvons en quelques instant revenir ici et maintenant, alors que nous étions peut-être plongé dans un univers imaginaire. C’est un état naturel, comme un rêve éveillé, que nous vivons plusieurs fois par jour de façon spontanée.

L’état d’hypnose permet d’accéder, à travers des métaphores et des images à des ressources psychiques qui ne sont pas accessibles par un discours rationnel. L’hypnose permet de parler à un cerveau plus sensoriel, émotionnel là où les concepts n’aident guère à changer les comportements.

Le thérapeute guide la séance à travers un langage ouvert, non directif, dit « langage vague », qui s’adapte au fur et à mesure de la séance. Le patient peut d’ailleurs interagir pendant la séance. Le thérapeute ne conduit pas le patient à un point déterminé, il accompagne le cheminement du patient, qui est actif dans le processus.

Un outil qui s’intègre au soin diététique

L’hypnose permet d’interagir en utilisant l’imaginaire et la créativité du patient qui se sent coincé dans ses raisonnements inflexibles, ses auto-jugements (« je ne peux pas, ça n’est pas possible, je suis trop / pas assez ») qui empêchent le changement durable. Elle permet d’accéder à un esprit plus ouvert tout en restant connecté à nos valeurs, ce que nous nous souhaitons de profondément bon pour nous. Elle permet de faire un pas de côté, de sortir un instant du « monde du problème » pour entrevoir le « monde de la solution », cette fameuse « zone où la magie opère » (les patients qui travaillent l’ACT – Thérapie d’Acceptation & d’Engagement – avec moi comprendront la référence ;-)) et ainsi créer de la motivation intrinsèque. Elle permet d’aborder différemment un vécu. De façon métaphorique, elle permet d’ouvrir un champ des possibles, de semer une graine, de recréer une trace émotionnelle positive sur des expériences teintées de façon négative.

C’est un outil qui permet d’accompagner la démarche de changement comportemental dans le soin diététique, permettant de nouer une autre relation avec ce qui nous entrave. La qualité du lien thérapeutique est par ailleurs essentielle, tout autant que la cohérence avec le projet de soin : c’est pourquoi cela s’intègre à un travail global. La relation thérapeutique est le support indispensable de ce travail, qui doit se faire dans un cadre éthique clarifié avec le patient.

Comment je l’intègre dans ma pratique

Mon positionnement est d’intégrer l’hypnose comme un outil s’intégrant au soin, selon les besoins du patients. Je ne propose pas de « séance d’hypnose » en tant que tel : c’est au cours d’un suivi que le besoin peut émerger, parfois assez rapidement, besoin qui peut être clarifié au 1er RV s’il fait partie de la demande.

Cela peut parfois passer par un protocole complet : se projeter serein avec son alimentation, construire les conditions d’une dégustation plaisante, renouer avec le plaisir d’une activité physique, travail autour de la régulation des sensations alimentaires, cultiver une qualité d’action utile à la mise en place d’une habitude, interagir avec une part de soi en souffrance lors d’une compulsion, interagir avec une part de nous capable d’autocompassion, etc. Ce sont des exemples, car souvent les protocoles sont des trames de départ qui en réalité débouchent sur une co-construction dans le cheminement avec le patient. Ces protocoles n’ont de pertinence qu’intégré à un travail global en diététique comportemental, et peuvent aussi ne pas être utilisés sans nuire à l’efficacité du soin.

Le plus fréquemment ce sont des interactions beaucoup plus courtes, parfois simplement en conversationnel, autour d’un langage métaphorique, ou un ancrage de quelques minutes autour d’une intention, par exemple.

Je cite ces quelques exemples pour simplement amener une idée : c’est un outil flexible et personnalisable, le plus important étant de s’adapter au contexte de chacun. Dans tous les cas, cela est discuté avec le patient, les demandes sont écoutées, et rien n’est imposé. Le soin est bien délimité, toujours en lien avec la diététique et peut aboutir à un ré-adressage vers un.e psychologue ou autre thérapeute si cela sort de ce champ. En cas de soin pluridisciplinaire déjà établi, les limites peuvent être posées dès le départ. Le travail n’est éthique qu’avec un cadre bien posé qui peut évoluer et être reprécisé si besoin.

On peut aussi ne pas passer du tout par ces outils, notamment parce qu’ils ne sont pas adaptés à tous ou contre-indiqués, ou parce que cela ne fait pas partie de la demande du patient. S’ils s’avèrent pertinents, je peux être amenée à le proposer sans l’imposer.

Reprenez vos notes du début : vos représentations autour de l’intégration de l’hypnose à la diététique ont-elles évolué après cette lecture ? Je suis curieuse de vous lire !

 

Mon intention par ce billet est de clarifier l’usage dans ma pratique tout en alertant autour de pratiques peu éthiques conduisant à des représentations erronées. Je ne prétends pas que ma vision est à essentialiser, je me pose régulièrement des questions sur ma propre pratique que je fais évoluer ! Je suis ainsi très curieuse de lire les retours d’autres soignants intégrant l’hypnothérapie dans leurs consultations en commentaires, ou ceux de personnes se questionnant autour de cette approche !

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2 réponses

  1. Très bel article. Je me suis également formée avec Benjamin et Florian et je me retrouve complètement dans ce que tu dis.
    Intégrer l’hypnose dans le soin diététique et pas vendre cela comme une baguette magique qui va tout changer. Même si parfois je reconnais la puissance de cet outil pour débloquer des situations complexes. Il est bon de clarifier cette pratique dans nos consultations. Je me permets de partager ton article
    Belle journée
    Catherine

    1. Merci Catherine pour ce retour. Je suis d’accord avec toi sur le fait que cela peut également débloquer des situations, parfois là où on l’attend le moins. Je pense que d’ailleurs lâcher cette attente favorise l’ouverture. Belle soirée, Erika

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