Tout être humain a déjà entendu son critique intérieur, porte-voix de cette dureté que l’on a envers soi (« tu n’es pas assez / trop… « ), mais elle peut parfois carrément nous pourrir la vie. Et si l’autocompassion en est le meilleur antidote, il est important de comprendre la fonction que cette voix peut avoir. Cultiver l’autocompassion est une voie (voix ? ;-)) qui permet de nourrir le changement comportemental, utile en diététique.
Cette voix du critique intérieur
Elle émerge souvent en consultation : forte, vociférante, violente. « Je suis nul.le, gros.se », « Je n’ai pas de volonté », « Je me dégoûte », avec, dans sa propre tête un « tu » accusateur : « Tu n’y arriveras jamais ».
Alors que j’invitais une patiente à accueillir des mots aidants (liste d’Anne Chablis & Florian Saffer), dans une guidance de méditation de pleine conscience, elle fait le constat suivant :
« C’est horrible, je me dis qu’aucun de ces mots n’est pour moi. Tous ces mots, c’est pour les autres. J’en donne plein aux autres. Mais moi, ça ne me concerne pas. Comme s’il y avait deux mondes : un cercle avec tous ces mots à l’intérieur et les personnes, et moi, seule, à l’extérieur ».
Qu’est-ce qui est frappant ? L’isolement. Cette voix est si dure qu’elle coupe du reste de l’humanité : Moi VS Le reste du monde.
Une autre patiente m’avait donné cette autre image : « C’est comme si j’étais seule dans un enclos, et toute la gentillesse et les autres sont à l’extérieur. Je me sens comme un mouton effrayé coincé à l’intérieur. »
Je lui propose de me décrire l’enclos et la porte qui le referme. « La porte est bien cadenassée, mais le pire, c’est que je réalise que même si on la laissait ouverte, je serais incapable d’en sortir. En en même temps, je me sens protégée dedans ».
« Comme un oiseau dans une cage ouverte », ai-je entendu aussi.
L’enceinte de l’enclos, de la cage sont perçus comme rassurants, l’extérieur est vu comme insécurisant.
Qu’est-ce qui est frappant ? Une forme d’impuissance acquise par un critique intérieur trop violent. Il paralyse. Et aussi : il protège. Les deux en même temps.
Ceci mériterait un article entier, j’ébauche cela simplement : notre critique intérieur s’est construit à un moment donné, souvent dans l’enfance, dans un objectif initial de nous protéger. Une intention qu’il est intéressant de creuser jusqu’au bout (plutôt dans le cadre d’une psychothérapie, avec un professionnel adapté). Sauf que la plupart du temps, il s’exprime comme un coach super autoritaire voire un vrai dictateur, à coups de baguettes ou de coups de pieds au c… et d’insultes. Il peut nous faire du mal et nous écraser, voire être carrément destructeur.
Renouer un lien plus juste est possible. Cela commence par accueillir l’intention profonde de cet autocritique. Pourquoi ? Car il est très difficile d’aller vers un mode de fonctionnement plus sain tant que l’on n’a pas pris conscience de cette ambivalence : ce critique nous veut du bien, mais il s’y prend horriblement mal. On peut alors s’autoriser à s’ouvrir à un peu plus de douceur, pour retisser le lien vers soi et vers les autres. Comme une main tendue, sécurisante.
L’autocompassion ?
Je remarque qu’elle n’est pas toujours facile à définir. Partir de la compassion peut permettre de comprendre en renversant la perspective.
Que se passe t’il si vous voyez un enfant tomber dans la rue et se blesser au genou ? En tant qu’être humain, vous vous connectez à sa souffrance et ressentez un élan à l’aider : lui demander comment il va, regarder si un parent est aux alentours, etc. Trois composantes essentielles sont là :
- la pleine conscience
- l’humanité commune
- la bienveillance (dans un élan d’action)
L’autocompassion, c’est simplement la compassion envers soi-même :
- accueillir sa propre souffrance,
- comme nous reliant à celle des êtres humains,
- s’offrir de la bienveillance pour se réconforter et se donner le courage de rebondir
C’est important de comprendre que l’élan vers l’action fait partie de l’autocompassion, car dans les représentations courantes, on craint souvent que s’offrir de la bienveillance serait la porte ouverte au laisser aller. C’est tout l’inverse.
Dans une démarche de changement, comme celle que vous pouvez entamer en consultation diététique, l’autocompassion est un vrai catalyseur qui permet de :
- se libérer de la pression excessive et du regard de l’autre
- calibrer avec plus de justesse ses objectifs
- accueillir ses échecs, en les utilisant comme des apprentissages
- savourer ses réussites, dès les premiers petits pas
- réapprivoiser ses émotions comme étant des informations utiles pour répondre à nos besoins de base
- soutenir la motivation au changement
- retisser le lien à soi-même, aux autres
Au service du prendre soin de soi.
Retisser le lien à soi via l’autocompassion est un chemin qui permet de remettre à sa juste place cette voix critique : l’adoucir pour lui permettre de devenir un coach bienveillant, encourageant plutôt que tyrannique. Voie/voix soutenante pour accompagner le changement. Retisser ce lien à soi permet aussi de cheminer sur sa relation au corps et à l’alimentation. On peut s’en sentir très éloigné : c’est une compétence qui s’apprend, à son rythme graduellement !
En consultation, cette dimension d’autocompassion est présente dans tous mes suivis, de façon subtile et/ou explicite, avec des outils de pleine conscience et d’hypnose, intégrés à la Thérapie d’Acceptation et Engagement (ACT).