Une métaphore pour mieux comprendre les effets du contrôle autour de l’alimentation et du corps, avec clarté & nuance. Car la réalité, après une histoire de régimes et/ou de troubles alimentaires (ou pas), est beaucoup plus subtile que de lâcher toute forme de contrôle.
Vivre sans contrôle, possible ?
Choisir d’acheter tel aliment plutôt qu’un autre ne serait-il pas une forme de contrôle ? Acheter bio ? des produits bruts ? Cuisiner maison ? Se composer une assiette équilibrée permettant de bien nourrir son corps aussi ? Se coucher tôt en semaine pour être en forme le lendemain ? On pourrait dire que tout cela, c’est du contrôle. Doit-on aspirer à ne pas contrôler du tout ? Pas forcément, mais on peut se poser la question sous un autre angle.
Est-ce que l’action que je pose me permet de vivre une relation globalement apaisée à mon assiette et à mon corps ? Est-ce que je réponds à mes besoins ou à l’inverse, je m’en coupe ? Le contrôle n’est pas un problème en soi. Mais plutôt la conséquence qui en découle, et le degré de flexibilité selon le contexte. On y reviendra en fin d’article.
On peut aussi avoir l’impression d’être :
- dans l’hyper contrôle (« je fais super gaffe, surtout en semaine ») ou
- dans le lâchage (« l’apéro, c’est n’importe quoi », « en rentrant le soir, je mange ce qui me tombe sous la main »).
On peut basculer de l’un à l’autre sans forcément comprendre la relation entre les deux. C’est souvent le constat qui est là, avec nos patients. Et le fait de ne pas voir le lien, entretient encore plus fort cette dichotomie et renforce le cercle vicieux : « je me suis lâché ce soir, alors demain je me restreins encore plus fort », augmentant encore plus le risque de « craquer ».
Le contrôle comme un élastique
Le contrôle, c’est comme un élastique :
- Si on tire trop fort un élastique, il claque : plus on contrôle fort, plus la perte de contrôle est brutale.
- Si on tire fort, en continu, l’élastique va fatiguer, et c’est là que vous dites que vos « efforts » ne sont plus « tenables » sur la durée.
- Si on tire un peu et qu’on relâche doucement, la déformation est réversible, on revient à un état d’équilibre.
Quand vous contrôlez votre alimentation (ou d’autres aspects de votre vie), avez-vous l’impression de tirer fort sur l’élastique ? Trop fort ? Trop longtemps ? Risque t’il en claquant de vous projeter dans la perte de contrôle ? Voire même d’arriver à rupture ? Ou êtes-vous dans cette zone d’élasticité, souple, flexible vous permettant de revenir à un état d’équilibre ?
La dérégulation du corps comme un élastique
Parfois, d’avoir tiré trop fort, trop longtemps sur l’élastique modifie cet état d’équilibre, que ce soit physiologiquement, ou dans la relation à l’alimentation. C’est ce qui se passe lorsqu’on a eu une longue histoire de régimes. On peut travailler à ramener de la régulation, pour aller vers un nouvel état d’équilibre.
En clair, les études scientifiques l’ont démontrée, des régimes à répétitions favorisent une prise de poids, et augmentent ce « poids d’équilibre » ou « poids régulé » : plus on fait des régimes, plus on reprend de poids, c’est une expérience tristement courante auprès de nos patients. Dans la prise en charge en diététique comportementale, on travaille à ramener de la régulation dans les différentes sphères telles que l’alimentation, le mouvement, le sommeil, la régulation du stress et des émotions, etc, afin de revenir vers une zone de tension souple de l’élastique. Pour aller vers ce nouveau poids régulé, qui n’est plus le même que celui avant régimes, en général.
Le déficit calorique qui amène des compulsions alimentaires, c’est aussi cet élastique qui brutalement recherche un état d’équilibre après avoir été étiré trop fort.
En clair, le déficit calorique, c’est par exemple, lorsque vous prenez un petit-déjeuner ne répondant pas à votre faim, puis choisissez volontairement la salade, le fromage blanc & un fruit le midi « pour perdre du poids » alors que votre corps avait besoin de davantage en quantité et variété. Vous vous retrouvez alors à 17h à manger tout ce qui vous tombe sous la main. Lorsque cette situation se reproduit sur une certaine période de temps à une certaine fréquence, les pertes de contrôle peuvent s’inscrire dans le quotidien et déréguler le comportement alimentaire. Cela peut être des grignotages, compulsions, crises d’hyperphagies boulimiques ou crises de boulimie selon les cas. Le déficit calorique n’est pas la seule cause, je simplifie, mais il fait très souvent partie de l’équation.
Les régimes dès l’enfance ou l’adolescence amplifient grandement le risque de troubles alimentaires (x5 pour un régime léger, x18 pour un régime sévère !).
Prendre conscience de la relation de réciprocité entre contrôle et perte de contrôle est une étape clé pour pouvoir avancer.
La métaphore de l’élastique peut vous aider à le comprendre.
Quel niveau de contrôle, pour moi ?
Je vous propose un petit jeu : prenez un élastique. Modélisez en tirant dessus ou en le relâchant votre niveau de contrôle autour de l’alimentation à différentes périodes de votre vie, et à différents moments de la journée en ce moment. Comment l’élastique réagit-il en retour ? Comment cela résonne t’il pour vous ?
Comment voudriez-vous que cet élastique soit ? A quoi cela ressemblerait-il concrètement dans votre vie ?
Reprenons les exemples du début, de façon très schématique : les cas peuvent être différents dans d’autres contextes.
Si vous choisissez de « toujours » vous coucher tôt en semaine pour gérer votre niveau de fatigue et qu’à cause de cela vous loupez l’anniversaire d’une personne proche. Refuser l’invitation dans ce contexte : rigidité.
Accepter l’invitation et assumer ponctuellement les conséquences car elles font partie de votre équilibre global (passer une bonne soirée avec des personnes que vous aimez) : flexibilité.
Si vous choisissez de cuisiner maison la plupart du temps et sortez une pizza surgelée après une journée éreintante, cela peut être adapté à la situation, cela répond à votre besoin de repos et de simplicité : flexibilité.
Si vous prenez cette pizza surgelée et qu’alors vous ressentez un niveau de culpabilité à 10/10 alors que vous ne le faites qu’occasionnellement, c’est qu’une règle s’est construite de façon rigide (« je dois cuisiner maison ») et la conséquence est un jugement très critique envers soi en cas d’entorse à sa propre règle : rigidité.
Repérez les « toujours », « jamais », « il faut », « je dois », c’est en général assez aidant pour identifier règles rigides qui se construisent à partir de niveau de contrôle peu respectueux de votre équilibre global 😉
La flexibilité comportementale, c’est un peu cette zone où l’élastique garde sa souplesse : on peut tirer un peu plus parfois, relâcher un peu plus à d’autres moments, et on revient à l’état d’équilibre.
En consultation, j’utilise avec les patients la thérapie d’Acceptation et de l’Engagement (ACT) pour amener de la flexibilité autour du comportement alimentaire. N’hésitez pas à prendre rendez-vous ou à m’écrire votre problématique !