En tant que diététicienne, je travaille beaucoup avec les parents pour leurs enfants. La difficulté n’est pas tant de savoir quoi mettre dans l’assiette, mais souvent quelle posture éducative adopter. Je n’ai pas de baguette magique… mais peut-être quelques pistes : cultiver la persévérance douce, dans un cadre ferme et bienveillant. OK, concrètement, qu’est-ce qu’on fait ?
L’apprentissage par l’exemple
Une grande part de l’apprentissage passe par l’imitation de comportements. Manger est un acte social, l’enfant apprend tout autant comment tenir ses couverts qu’à apprécier des aliments au contact de ses éducateurs : parents, familles et tous ceux qu’il croise (cantine, etc.). Proposer des repas variés et équilibrés, dans une ambiance agréable est un cadeau que l’on fait à ses enfants. Derrière cela, il y a des valeurs que l’on transmet : de la convivialité, du prendre soin de sa santé, de se régaler, et peut-être des choix éthiques. Et surtout, il y a de l’amour, et c’est beau dans toute l’imperfection que cela comporte.
J’aime préciser en consultation : un « exemple » authentique, humain, imparfait. Derrière une magnifique intention, celle de vouloir le meilleur pour ses enfants, on sème des graines pour plus tard. Oui, cela passera aussi par des jour où vos enfants refusent de manger leurs légumes, se lèvent de table de façon intempestive, et où vous finissez en criant. Oui, les repas seront (peut-être ?) plus apaisés à 12 ans qu’à 3 ans. Quoique, à l’adolescence, on rebat les cartes. Dure & belle mission que celle de parent ! Rassurez-vous, j’ai les mêmes à la maison, et c’est parfois épuisant. Tout comme cultiver de la présence à table est un processus.
Un cadre ferme et bienveillant
Comment se positionner ? En tant que parent, et plus vos enfants sont jeunes, vous avez la maîtrise de l’environnement alimentaire de votre enfant : c’est vous qui faites les achats alimentaires. S’il y a des chips, des biscuits ou des boissons sucrées en libre accès, c’est compliqué pour l’enfant de s’auto-réguler. Il va réguler globalement son apport en énergie, mais ses choix ne se porteront pas instinctivement vers une assiette pro-santé, et c’est normal. Un adulte a appris (a priori), mais l’enfant est en cours d’apprentissage. C’est votre rôle de l’accompagner.
Prenons un pas de côté avec un domaine non-alimentaire : le travail scolaire. La « juste » attitude est-elle de punir l’enfant à chaque mauvaise note ou à l’opposé de lui répondre que « ce n’est pas grave » et de passer à autre chose ? Non, c’est de poser un cadre à la fois ferme ET bienveillant, pour accompagner son enfant. Ni autoritaire, ni permissif : le modèle éducatif démocratique est pointé comme étant le plus efficace pour permettre à l’enfant de s’épanouir. Le cadre est vital ! Mais ne signifie en aucun cas régime ou aliments interdits.
Quelques exemples concrets, des pistes de réflexion, à moduler selon le contexte
- Inviter à goûter, plutôt que forcer. Proposer la part habituelle de dessert, pas plus, même si l’enfant n’a pas mangé avant. L’accompagner lorsqu’il dit avoir faim à mesurer les conséquences, selon son âge, avec bienveillance.
- En faisant les courses, vous faites des choix pour toute la famille : en variété, et en quantité. Aucun aliment n’est à bannir, mais tous n’ont pas la même place dans l’alimentation. C’est de votre responsabilité de doser les courses.
- On propose des produits aussi bruts que possible, des textures variées, adaptées à l’âge. L’alimentation des enfants est souvent trop molle trop longtemps : pains au lait, compote (en gourde, vite avalée), légumes très cuits, viandes hachées. Des choses qui se mastiquent et demandent un peu d’effort (à éplucher, par exemple), c’est indispensable, et cela permet de développer correctement la mâchoire et la dentition.
- Ce n’est pas punir un enfant « qui n’aurait pas de problème de poids » par rapport à son frère ou à sa sœur, que de supprimer les boissons sucrées à table pour tous : les bases de l’alimentation équilibrée sont les mêmes en prévention, avec des quantités adaptées à l’âge. Il n’est souhaitable pour aucun des membres de la famille d’avoir des sodas à table à volonté, au quotidien, qu’il ait des problèmes de poids ou non.
- C’est normal de modéliser des portions. Dans les fratries il y a une tendance parfois à servir tout le monde pareil, plutôt parce qu’on est pris dans le feu de l’action. Sauf que les quantités de l’enfant de 5 ans ne sont pas les mêmes que celles de l’ado, ou du parent. Il y a des repères, qui varient ensuite selon de nombreux paramètres. On peut donc réfréner gentiment celui qui semble trop se servir : « tu es sûr ? tu pourras te resservir si besoin ? ». Modéliser les portions, c’est aussi demander « tu as un appétit de moineau ou une faim de loup aujourd’hui ? », ou renforcer positivement un enfant qui a su s’écouter. C’est aussi, en tant que parent, verbaliser à voix haute « je n’ai plus faim, je sens que mon estomac est rempli » ou « je m’arrête pour garder une place pour le dessert », « je me ressers parce que j’apprécie », « j’ai mal au ventre car j’ai trop mangé ». Cela aide l’enfant à observer pour lui-même. Et faire confiance à ce que l’enfant vous dit de sa faim ou de son rassasiement.
- C’est ok de cadrer le goûter. Cela soulage tant de parents lorsque j’invite à explorer cela ! Les biscuits, ça n’est pas open bar : comme ils sont en général peu rassasiants l’enfant, s’il n’y a que ça à disposition, il va en manger beaucoup. Et déjà, souvent, l’idée qu’il va en manger beaucoup vous tend, alors que cadrer et ranger le surplus peut vous détendre. Proposez plutôt des combinaisons d’aliments (exemple : 3 biscuits + fruit et/ou laitage). Prenez le temps de comprendre son contexte : a t’il bien mangé à la cantine ? Discutez de l’heure de repas suivant. Permettez une variable d’ajustement de quantité sur une des composantes du goûter (« une barre de chocolat, du pain et tu peux compléter avec une deuxième clémentine si tu as encore faim »).
- C’est aussi votre rôle de déterminer les horaires de repas convenant le mieux à la famille, parfois ensemble, parfois séparés, d’imposer un repas sans écran, etc.

Relâcher la pression
L’enfant suit son propre rythme. Souvenez vous de l’élargissement du répertoire alimentaire : c’est un processus long. C’est si difficile, lorsque c’est son premier enfant, qu’il a 3 ans et refuse de manger tant d’aliments de l’imaginer manger de tout quelques années plus tard. On a peur de mal faire, de les éduquer de travers. Craintes normales ! Et pourtant, la souplesse est la clé. Souplesse ne veut pas dire permissivité. C’est remettre la balle au centre, observer les tensions, lâcher du lest pour ne pas transformer les repas en enjeu diplomatique à la maison. C’est aussi se dire que ce soir c’est pâtes au beurre ou pizza surgelée parce qu’en tant que parents on est épuisé cette semaine-là.
La persévérance douce, c’est cette qualité qui fait que l’on poursuit ses actions dans une direction avec la confiance que cela va porter ses fruits. C’est exactement cela dont il s’agit à travers la transmission d’une éducation alimentaire joyeuse, vivante.
En consultation, j’accompagne de nombreux parents à prendre du recul, parfois pour simplement déposer vos difficultés, vous orienter ou vous rassurer en une consultation unique ! Ou vous accompagner sur la durée si nécessaire. N’hésitez pas à prendre rendez-vous ou à m’écrire votre problématique !