Mon parcours interpelle régulièrement : quel a été mon cheminement, mon parcours ? Je suis régulièrement contactée par des personnes qui se questionnent sur leur propre reconversion. Ou des curieux qui se demandent simplement comment on peut passer d’ingénieure à diététicienne !
Mon cheminement
Ingénieure centralienne, j’ai travaillé 15 ans dans dans une grande entreprise de bâtiment. Comment ai-je atterri là ? Un parcours classique, de l’enthousiasme pour les projets, de belles rencontres, qui m’ont conduites en Angleterre, à Singapour et en France, sur ces projets de construction dont on dit qu’ils sont « once in a lifetime » : uniques et excitants. On pourrait dire que j’avais un parcours prometteur et tracé. J’ai eu une belle vie professionnelle, et rencontré des gens extraordinaires : beaucoup sont restés des amis. Tout n’était pas fluide néanmoins, et à la naissance de mes enfants, j’ai commencé à me poser beaucoup de questions, et comme beaucoup, je m’épuisais à vouloir tout faire, du mieux possible. L’entreprise dans laquelle je travaillais a tout mis en œuvre pour me montrer que c’était a priori compatible de tout concilier, mais l’équation ne fonctionnait pas vraiment, en réalité.
Née gourmande dans une famille où l’alimentation occupe une place très importante, il est arrivé un moment où je savais que je ferais quelque chose dans ce domaine au sens large. Une puissante intuition, mais très floue. J’ai toujours tracé mon chemin selon une vision, un cap que je ne lâche pas, même s’il est mal dessiné. Cela ne veut pas dire que je ne doute pas, bien au contraire ! Je vous épargne tout le détail de ce sentier tortueux, les réflexions à n’en plus finir, les nœuds au cerveau, les nuits courtes, mais des liens se sont faits, entre alimentation, enfants, santé, bien-être, environnement, tout en recroisant cela avec mon parcours personnel, ma propre relation à l’alimentation. Encore à Singapour, le métier de diététicienne commence à émerger de mes réflexions. Je me renseigne sur les cursus, sans forcément l’envisager français… Vivant en Asie, j’explore tout ce qui existe, dans les pays anglo-saxons. J’en reste là, ça n’est pas mûr. A vrai dire, je rentre en France avec un nouveau poste, en ayant simplement en tête d’avancer sur cette « passion » sans forcément en faire un métier.
Je rentre en France en 2014 et un an plus tard, en octobre 2015, je lance le blog « Organisée en Cuisine », quelques mois après la naissance de mon 3ème enfant. Je ne le fais pas dans un but pro, plutôt en mode side project « passion », mais j’en retire énormément. Le cheminement reprend. Je sens que l’alimentation est au carrefour d’un trépied : santé, écologie, et justice sociale. Mon sens de l’intérêt commun me pousse vers le levier santé : aider les gens à prendre soin d’eux par leur assiette, avec les ramifications que cela a sur les autres aspects : une alimentation meilleure pour soi, la planète et les hommes qui la produisent. Je me renseigne sur la formation pour devenir diététicienne en France : cela passe par le BTS diététique. Je creuse le sujet, j’interroge des diététiciens, enseignants en BTS, etc., et décide de sauter le pas en m’inscrivant alors que je suis enceinte de ma 4ème. Ceux qui me connaissent savent que j’aime bien le challenge de tout faire en même temps !
La formation initiale : forme progressive ou continue ?
Il en existe deux délivrant le titre de diététicien, qui je le rappelle est protégé (alors que n’importe qui peut s’autoproclamer nutritionniste). Je choisis la voie du BTS diététique, à distance, car j’ai encore mon activité professionnelle à ce moment là, que je viens de basculer à 80%. Encore une fois, j’ai une direction, un cap, et suis un chemin, mue par mon intuition que cette voie est peut-être « la bonne », mais je garde mon boulot car je ne me projette pas encore à 100%. Passion ou job ? Et il faut être honnête, je ne suis pas très copine avec l’incertitude, le risque. Ya encore un truc qui coince. J’ai besoin de vivre ce chemin à mon rythme, et d’ailleurs très peu de personnes sont au courant de ma démarche, qui est inégalement comprise (de « cela ne m’étonne pas, c’est fait pour toi ! » à « mais pourquoi lâches-tu un boulot d’ingénieur bien payé?« ). Cependant, le soutien indéfectible de mon conjoint sera une des clés de la réussite !
Donc banco pour le BTS diététique via le CNED en forme progressive. En gros, cela signifie que je l’étudie par unité, et je passe chaque année les épreuves correspondantes, les notes étant valides 5 ans. Dans la forme continue ou dite « globale », on fait tout sur 2 ans, y compris les stages et on passe la totalité de l’examen en une fois. Si vous avez lâché votre activité pro, c’est possible, mais dans ma configuration, avec de surcroit des enfants en bas âge, cela aurait été suicidaire. Ma santé mentale me remercie d’avoir eu la clarté de prendre cette décision ! J’avais projeté de le terminer en 3 ans, mais nous avons ajouté à tout cela un projet de construction de notre propre maison qui a bien tiré sur la corde aussi : donc 4 ans, c’était long, mais respectueux de mon rythme. Cela m’a permis aussi de faire le deuil de mon activité précédente, car encore une fois, je ne suis pas partie en claquant la porte.
Année 1 – 2017 : Connaissance des aliments, Economie-Gestion, Anglais
Année 2 – 2018 : Biochimie-Physiologie, Bases Physiopathologiques de la Diététique, Etude de Cas
Année 3 – 2019 : Techniques Culinaires
Année 4 – 2020 : Stages
NB : certaines matières ont été rebaptisée depuis !
Pourquoi le CNED ? Organisme fiable, dont les cours correspondent au référentiel officiel. Ces dernières années, de multiples organismes privés ont vu le jour, proposant pour la plupart un financement CPF, vu comme le graal. Les déconvenues d’étudiants sont régulièrement à la hauteur des promesses de certaines écoles. Renseignez-vous bien avant sur la qualité des cours proposés. Il y a du bon, et du moins bon. Parfois, il vaut mieux mettre la main à la poche et être certain de la qualité. J’ai tout autofinancé. Pour mémoire, seuls le BTS diététique ou le DUT génie biologique option diététique donnent le titre de diététicien. Oubliez les pseudos formation en nutrition.
Est-ce difficile ?
Mes études scientifiques datent, j’ai été diplômée ingénieure en 2005. Le contenu du BTS est dense. Une enseignante m’avait avertie que la principale difficulté avec mon profil était que l’on nous demande beaucoup de « par cœur » et d’appliquer strictement certaines méthodes. Très différent de la posture que l’on a en tant qu’ingénieur ! Ca a été parfois hard de se remettre dans de la biochimie (que j’adorais en prépa) ou de la physiopath’. Grâce à l’échelonnement liée à la forme progressive, j’y ai toujours trouvé un intérêt et une motivation qui s’est renforcée au fil du cursus. Certes, la dimension bachotage est pénible. Mais j’avoue que j’ai adoré apprendre et le challenge que représentait le fait de se remettre à étudier.
La difficulté réelle tient à l’articulation des différentes sphères de vie. J’ai passé l’oral d’anglais un 31 mars alors que ma fille était née un 4 mars, avec les nuits que vous pouvez imaginer, le 20/20 décroché avait une saveur particulière ! C’était surtout la logistique qui était folklo… La 2ème année d’études était super dense car il s’agissait des matières les plus théoriques, et côté pro, elle l’a été tout autant : j’ai étudié les soirs, les mercredis et une partie des WE, en jonglant avec le reste. Je n’ai posé que les congés nécessaires pour passer les épreuves. Ca a été le meilleur test de motivation : jamais envisagé de lâcher ! Ce qui était troublant, c’était cette double vie : je vivais ma vie en entreprise avec des collègues et un boulot que j’appréciais, impliquée, et j’étudiais la diététique avec enthousiasme le soir. Je ressentais néanmoins le besoin de donner davantage de sens à mon action, ce que je retrouvais moins dans mon activité pro. Partager mon énergie en deux (voire trois ou quatre…) était mon quotidien. Certaines personnes m’ont fait remarquer cette particularité : je n’ai pas changé de vie pour fuir une situation, qui même sans être parfaite, était satisfaisante, mais pour choisissant une voie qui était taillée pour moi. Et qui me permettait de mettre en cohérence mes engagements personnels avec ma vie professionnelle.
Les stages
5 stages sont à réaliser : 5 semaines en restauration collective, 2 x 5 semaines en milieu hospitalier, 5 semaines au choix (20 semaines au total). Les stages en milieu hospitalier s’anticipent car ils sont très difficiles à décrocher. Il faut candidater 12 à 18 mois avant et faire preuve de persévérance. Montrer tout ce que notre précédente vie professionnelle a pu apporter. J’ai eu la chance de pouvoir choisir et refuser certains stages en milieu thérapeutiques, mais sachez qu’il y a en général 2 ou 3 places par an pour des centaines de candidatures sur un même établissement. J’ai enchainé tous mes stages sur une période de 6 mois pendant laquelle j’ai pris un congé dans mon entreprise. Ce sont les stages en milieu hospitalier qui m’ont pleinement confirmé l’adéquation de mon projet. Je me sentais vivante, motivée comme jamais, à l’aise au contact des patients. J’ai été encadrée par des diététiciennes qui m’ont considérée comme une des leurs et non une stagiaire. Ces stages, ça a été le dernier déclic, celui qui me manquait pour vraiment sauter le pas.
J’ai quitté mon entreprise une fois diplômée, dans le cadre de la démarche « démission-reconversion ». Ceci m’a permis de réfléchir à mon activité libérale, car il fallait présenter un solide dossier, business plan included ! Un gros accélérateur… et comme tout, beaucoup de travail !
Après le diplôme, c’est là que tout commence
Le diplôme n’est qu’un début ! La formation de base est… une base à approfondir. Avec un gros manque : la formation en sciences humaines est totalement absente du programme du BTS. C’est après, que l’on personnalise son cursus.
- Ayant le souhait de prendre en charge une population « familiale », j’ai suivi avec la promotion 2020-21 le diplôme universitaire de Nutrition et Obésité de l’enfant et de l’adolescent à la faculté de médecine de la Sorbonne : dense mais passionnant !
- Je suis de nombreuses formations en diététique comportementale, découvert les TCC, la thérapie ACT, la Pleine Conscience, grâce au Centre de Formation en Diététique Comportementale de Florian Saffer (entre autres !). Je pense que c’est ce qui m’a donné les meilleurs outils pour démarrer ma prise en charge libérale.
- J’ai la joie de faire partie de la promotion 2021-22 du diplôme universitaire de Psychologie et Pédagogie du Comportement Alimentaire de l’Université de Bourgogne.
Je me forme en alternant cursus longs (diplômes universitaires) et formations courtes ainsi que elearning, lectures… J’adore ! Le détail des formations que j’ai suivis est ici.
Démarrer en libéral
Démarrer directement en libéral n’est pas la voie la plus simple. Cela dépend vraiment de votre parcours et maturité de vos projets. C’est une activité multi-facettes qui pour ma part, à côté des consultations englobe aussi des interventions en entreprises, grandes écoles, collectivités, des missions de conseil, etc. Tout est à construire, cela demande beaucoup, beaucoup de travail et de la patience. Des déconvenues et des joies, et d’avoir la foi. Encore des années devant moi avant d’atteindre, peut-être, un rythme de croisière. Cela demande de savoir mobiliser des compétences développées dans de précédentes expériences. Je me revendique ingénieure ET diététicienne-nutritionniste car je suis convaincue que mon activité actuelle ne serait pas ce qu’elle est sans cette posture liée à ma double-casquette.
En parallèle de mon activité libérale, je suis très engagée au sein de L’école comestible, c’est très complémentaire, cela nourrit mon activité et vice-versa. J’ai d’ailleurs eu des engagements associatifs forts en faveur de l’alimentation durable bien en amont de l’obtention de mon diplôme, et je ne peux que vous encourager à le faire : cela vous rendra plus crédible tout en confrontant votre intérêt pour le domaine !
Se poser les bonnes questions avant de se lancer
Cela demande du temps de réflexion et beaucoup de lucidité. Je suis sollicitée par des personnes ayant grandement mûri leur projet de reconversion et parfois d’autres qui regardent cette voie comme un choix parmi de nombreux autres. J’ai vu de solides projets et d’autres que je qualifierais de velléitaires (et qui souvent n’ont pas abouti).
Mettez à l’épreuve votre motivation. Ne choisissez jamais par défaut.
Le marché est plutôt saturé et concurrentiel, et cela demande beaucoup de travail pour construire son activité et dégager un revenu correct. Il est néanmoins possible de se démarquer et de proposer une approche unique si c’est le job qui vous fait vibrer !
Préparez-vous à travailler, beaucoup ! Et à aimer ça. Un peu, beaucoup, passionnément.
J’ai pris le temps de poser dans ce long billet quelques unes des questions qui me sont les plus fréquemment posées. Bravo si vous m’avez lue jusqu’au bout ! Je répondrai avec plaisir aux commentaires sous ce billet si la réponse n’y est pas déjà.
Lien vers un article paru au sujet de mon « parcours inspirant » : https://www.monsuividiet.com/blog/parcours-inspirant-n-8
Je n’ai plus la possibilité de répondre sur mon temps libre aux très (!) nombreuses sollicitations que je reçois sur ce sujet. Si vous souhaitez approfondir un sujet lié à la formation, au démarrage de l’activité, ou prendre du recul sur votre projet, je vous propose de réserver un créneau d’une heure type consultation (tarif 60 euros pour 1h de visio) via ma plate-forme de rendez-vous.
NB : la covid-19 y a probablement fortement contribué, de plus en plus de personnes se lancent dans un parcours d’études diététiques. Je le perçois aussi à travers le nombre de demandes que je reçois. La réalité est qu’il y a de plus en plus de diplômés, bien plus de souhaits de CDD/CDI que l’offre hospitalière & cie, et donc des diét’ qui s’installent en libéral par défaut de trouver un poste. Je ne dis pas de ne pas vous lancer, mais de bien étudier votre projet sous tous les aspects, de réfléchir à votre positionnement. L’installation en libéral doit être un vrai choix. C’est possible d’en faire un métier passionnant et d’en vivre, mais cela demande beaucoup de persévérance et de détermination.
NB2 : j’insiste vraiment sur le fait que la formation de base de diététicien est largement insuffisante pour pratiquer dans de bonnes conditions. La formation continue et la supervision sont indispensable pour monter en expertise, se spécialiser et compléter sa formation : cela représente un budget conséquent (autant que le loyer mensuel de mon cabinet me concernant).
12 réponses
Bravo pour ta reconversion et merci pour ce partage.
Je te souhaite une pleine réussite pour la suite !
Merci Cécile pour ce doux retour 🙂
Bravo Erika, ton parcours est fascinant et à hauteur de l’engagement que tu mets dans tout ce que tu entreprends!
Merci Anne-Cécile pour ce message qui me va droit au cœur !
Merci pour ce partage très inspirant!
Merci Jihane pour ce retour !
Bravo pour ce parcours très inspirant qui me donne des papillons dans le ventre tellement cela fait écho à mes ressentis. Je serai ravie de pouvoir échanger en off si cela est possible. Je suis tellement en pleine reflexion et l’envie de debuter en septembre… la peur et l’excitation.
Chouette parcours en tout cas! Merci du partage.
Merci beaucoup de m’avoir partagé que cela vous avait touché. N’hésitez pas à réserver un échange avec moi sous forme de visio si vous en ressentez le besoin. Cela permet d’un échange d’une heure, en approfondissant selon vos problématiques. Je ne peux malheureusement plus répondre aux échanges en off en dehors de ce cadre, les sollicitations étaient devenues trop nombreuses pour me permettre de conserver mon équilibre ;-).
Merci pour ce partage. Etant moi-même ingénieure en agroalimentaire et cherchant à me reconvertir dans la voie de la diététique, votre parcours est très inspirant. Je vous souhaite un bel épanouissement et une bonne continuation.
Merci Julie pour vos vœux d’épanouissement : je fête à quelques jours près mes deux ans de démarrage « officiel » de libéral, et ce métier me comble de plus en plus. Belle continuation à vous aussi !
Merci Erika pour ce partage très complet et inspirant. Je suis arrivée sur votre témoignage par le biais de mes recherches étant moi même en pleine réflexion. J’exerce déjà une profession d’accompagnement en libéral mais avec un titre, un cadre légal et une formation qui ne me satisfont pas pleinement. Au cours de mes recherches, j’ai eu quelques retours selon lesquels les candidats CNED peineraient à trouver leur stage et les profils reconversions peu appréciés dans le cadre hospitalier, j’imagine que cela dépend des équipes, des profils. Ce n’est en tout cas pas ce qui ressort de votre témoignage et cela redonne espoir ! J’ai bien noté que vous proposez un entretien sur rdv, je note et me réserve cette possibilité si j’en ressens le besoin au cours de mes réflexions. Bravo pour ce parcours et je vous souhaite le meilleur dans cette nouvelle vie professionnelle.
Merci Margot pour ce retour. La difficulté / facilité à trouver des stages lorsqu’on a un profil CNED dépend des équipes (certaines considérant que cela offre une certaine maturité professionnelle précieuse lorsqu’il s’agit de reconversion) et aussi de la façon de valoriser son profil. Mais la barrière à l’entrée étant de plus en plus faible et les écoles privées se multipliant pour le BTS diét, cela met aussi bien plus de personnes qu’avant sur le « marché » des stages. Ca reste difficile si j’en crois les témoignages que j’entends depuis. Mais si c’est le métier que vous souhaitez exercer et que cela vous tient profondément à coeur, ce serait dommage d’y renoncer pour cela.