Il suffit de regarder quelques minutes de pub sur une chaîne dédiée aux enfants pour être abreuvés de spots colorés vantant céréales, biscuits et autres jus. Le petit-déj idéal ? Combien de parents vous répondront par le triptyque « lait chocolaté, céréales, jus de fruits ». Des bombes de sucres, souvent ajoutés, des aliments ultra-transformés : prenons conscience de ce que proposent les industriels sous couvert d’allégations diverses (sain, riche en vitamines et minéraux, pratique et je ne sais quelles promesses merveilleuses), pour proposer des alternatives, en toute connaissance de cause.
Qu’est-ce que l’index glycémique ?
L’index glycémique permet de classer les aliments contenants des glucides selon leur effet sur la glycémie (le taux de glucose dans le sang) dans les deux heures suivant leur ingestion. Sans rentrer dans le détail, vous pouvez probablement intuitivement comprendre que plus les glucides d’un aliments vont être digérés rapidement, plus l’effet, à savoir la montée de la glycémie va être rapide (on parle d’hyperglycémie). Imaginez des chaines plus ou moins longues et ramifiées (complexes) de glucoses, que notre corps, lors de la digestion va s’affairer à casser afin d’en absorber les éléments les plus simples, à savoir des molécules de glucose (et autres : fructose, etc). D’autres facteurs jouent sur l’index glycémique, sans les citer tous : le mode de cuisson, leur forme (des céréales soufflés auront un IG plus élevé, la présence de fibres ou non (c’est là que le bât blesse pour les jus de fruits). Selon leur effet, les aliments vont être classés : IG bas, moyen ou élevé (ces derniers provoquant des pics brutaux de glycémie). Sans détailler, sachez que notre corps étant une belle machine, une élévation de la glycémie va provoquer une sécrétion d’insuline, qui va aider à rétablir le taux de glycémie à son taux d’équilibre. Plus le pic de glycémie est élévé (consommation très importante de produits sucrés), plus l’insuline va être sécrétée en abondance, ce qui conduit à une hypoglycémie réactive derrière (chute de la glycémie, le fameux « coup de pompe »). Ce yoyo (hyperglycémie puis hypoglycémie réactive), peut déséquilibrer la machine et conduire à des crises d’hypoglycémie de plus en plus fréquentes (les fameuses fringales) et sur le long terme, « fatiguer » le mécanisme de régulation de l’insuline. Attention, il ne s’agit pas d’intellectualiser tout ça et de choisir des aliments sur une grille en fonction de leur classement IG ! Mon propos est de vous donner une compréhension intuitive du sujet. Histoire de comprendre les conséquences physiologiques d’un apport massif de sucre en peu de temps, de façon répétée.
Sucres et aliments ultra-transformés
Prenons les aliments d’un petit-déjeuner « classique industriel » : ils contiennent tous des quantités très importantes de ces sucres simples, qui provoquent des hyperglycémie. En effet :
- La plupart de ces aliments contiennent déjà du sucre en quantité importante (voir plus loin). Les industriels en mettent bien plus que ce que vous y mettriez naturellement.
- Les industriels, dans leur procédés de fabrications, commencent par « casser » la matrice de ces aliments. Rien à voir avec le procédé employé à la maison si vous faisiez la même recette. En gros, vous mangez du pré-digéré, vite absorbé : des aliments ultra-transformés.
Le problème de ces sucres rapides, est qu’ils vont être absorbés extrêmement rapidement par l’organisme, faire monter en flèche la glycémie de votre enfant, et stimuler violemment la production d’insuline afin de ramener cette glycémie à son taux d’équilibre. Deux problèmes :
- les montagnes russes, pour la glycémie, ça n’est pas particulièrement bon sur le long terme, et connu pour être le lit des diabètes de type 2 (surtout quand on cumule goûter très sucré, petit dessert ou soda ici ou là…) et autres pathologies métaboliques.
- ces sucres ajoutés vont être très rapidement digérés et c’est là qu’on a le coup de pompe de 10-11h.
Alors, les produits « classiques » du petit déjeuner, comment se placent-ils ?
Le bol de lait au chocolat
Petit rappel sur les étiquettes : les ingrédients sont classés par ordre décroissants de leur importante pondérale dans le produits. Prenez Benco, Nesquik, Banania, Poulain & co : le sucre est l’ingrédient n°1, le cacao l’ingrédient n°2, et les autres sont des texturants, vitamines et minéraux en très faible quantité. Ainsi, lorsque vous lisez, sur une étiquette de Nesquik : sucre, cacao (20.3%), dextrose, émulsifiants, etc., vous pouvez en déduire qu’on dépasse les 75% de sucre (3/4 de sucre!), vu que les ingrédients autres que sucre et cacao comptent pour des quantités très faibles (100-20.3=79.7%… laissons un maigre pourcentage pour les émulsifiants (dextrose = sucre). Le Super Poulain (voir ma photo de droite), encore pire : Sucre, cacao maigre en poudre (14,5 %), émulsifiant (lécithine de soja), arôme, vitamines (C, B2, B1, B6). Plus de 4/5ème de sucre ! Grosso modo, sur une portion de 20gr (en supposant qu’on s’y limite vraiment), on peut estimer le sucre ajouté à 16gr environ. Un morceau de sucre = 6g. On donne 2 sucres 1/2 !
Petit truc malin, les industriels ne sont tenus d’indiquer le pourcentage uniquement sur les ingrédients mentionnés dans la description du produit (décrit comme du « cacao en poudre »… moi j’aurais envie de dire « sucre en poudre légèrement aromatisé au cacao »). Le nom « sucre » n’apparaissant pas dans la dénomination de vente, ils n’en n’indiquent pas directement le pourcentage, mais on peut en déduire l’ordre de grandeur. Zou, allez chercher la boite de cacao en poudre de votre placard, et essayez d’en déduire la quantité de sucre !
L’alternative : utiliser du cacao en poudre non sucré (type Van Houten), et sucrer raisonnablement. Chez nous, c’est même zéro sucre depuis des années, car personne n’en réclame, les enfants adorent le goût de chocolat intense, même ma fille de 18 mois, qui siffle son biberon en 5 minutes !
Les céréales du petit-déjeuner & autres biscuits
Vérifiez les étiquettes des pains de mie, brioches industrielles, qui contiennent souvent du sucre ajouté (et je ne parle même pas des additifs que l’on trouve en quantité dans ces produits). De plus, la texture fait que ces produits sont très vite digérés et peu rassasiants.

Attention aussi si c’est open céréales tous les matins, du type pétales extrudés, soufflés et que sais-je encore. Ces produits, ultra-transformés, contiennent beaucoup de sucres simples, de par leur composition et leur process de fabrication. Leur texture leur confère un indice glycémique très élévé. Pour quelle raison croyez-vous que les AJR sont calculés sur les étiquettes sur la base d’une portion de 30 grammes (absolument non rassasiante)? Précisément parce que le résultat serait délirant avec une portion plus importante. Donnez à vos enfants seulement 30 grammes de céréales de ce type, vous verrez leur tête !! Il y a fort à parier que leur bol en contient le double ! Anthony Fardet, docteur et chercheur à l’INRA ayant mis en évidence l’omniprésence des ingrédients ultra-transformés nous rappelle que « servir un bol de céréales aux petit-déjeuner de nos enfants, c’est leur servir un bol de confiseries« .

Les biscuits aux céréales ont également le vent en poupe et sont parfois adoptés par les enfants qui mangent plus tard, sur le chemin de l’école. La portion et la quantité de glucides sont calculées sur la base d’un seul biscuit alors que les sachets en contiennent quatre. « dont sucres » = glucides simples (naturellement présent et/ou ajouté).
Petite précision : « bio », « sans gluten » ou autre n’est pas un gage d’équilibre nutritionnel, mais vous le saviez déjà, n’est-ce pas ?
L’alternative : un morceau de pain si possible au levain (du boulanger) avec beurre, confiture ou miel, tout simplement, ou alors de purée d’amande ou autre oléagineux. Pensez à congeler le pain pour vous faciliter la vie et ne pas avoir à courir à la boulangerie tous les jours. Et si votre enfant ne jure que par les céréales, proposez-lui des flocons d’avoine bruts de petit calibre (aussi appelés parfois « flocons d’avoine petits » ou « baby oats »), auxquels il peut ajouter une petite poignée d’amandes, noisettes, fruits secs (ou frais), un trait de miel ou quelques pépites de chocolats. Ca sera bien moins sucré que les mélanges industriels (attention aux compositions des muesli et surtout des granolas industriels liés avec un sucrant naturel dans le meilleur des cas, du sirop de glucose dans le pire !). Les miens en prennent une fois par semaine, et ils adorent. Et pourquoi pas un porridge (version cuite donc), si réconfortant ?
Note : les plus petits (et certains adultes) peuvent avoir du mal à digérer les flocons d’avoine crus, très riches en fibre. Dans ce cas, réhydratez les dans du lait, au frigo toute la nuit, si vous voulez les proposer crus, ou optez pour du porridge (cuit et bien plus digeste) !
Les jus de fruits
Vous avez probablement entendu dire que les 100% pur jus sont en réalité plus sucrés que les sodas (en quantité équivalente, évidemment)? D’abord, les industriels ne se contentent pas de presser des oranges et de la mettre en bouteille. Afin de garantir une uniformité du goût, ils en cassent la matrice, séparent cette orange en composants de base (tous issus de l’orange), et recomposent le tout, avec un taux de sucre probablement plus élevé que ce que vous obtiendriez en pressant vous-même. Ceci étant dit, même en pressant votre fruit, vous perdez le bénéfice des fibres, qui abaissent l’index glycémique. Les jus sont des produits aussi sucrés que des sodas.
La gourde de compote, quotidiennement, est également une fausse bonne idée : vite avalée, vite digérée, le cerveau n’a souvent même pas le temps d’intégrer qu’elle a été ingérée, et d’envoyer les signaux de satiété.
L’alternative : un fruit entier, plutôt qu’un jus, qui peut par exemple être coupé en dés et ajouté à un bol de flocons d’avoine. On peut aussi garder la portion de fruit pour un autre repas. Ne culpabilisez pas, l’équilibre se fait sur la journée !
Mon enfant n’a pas faim le matin
On glisse dans son sac un morceau de pain avec 2 carreaux de chocolat (moins risqué que la confiture qui coule dans le sac !), une banane ou une paire de clémentine et une poignée d’oléagineux, pour manger sur la route, etc. Il mangera selon son appétit, plus tard. Discutez aussi avec son enseignant pour comprendre s’il se jette sur la nourriture au déjeuner, semble avoir un coup de pompe ou pas. Tous les enfants n’ont pas les mêmes besoins !
Qu’est-ce qu’un « bon » petit-déjeuner ?
Vous l’aurez compris, l’idée est d’éviter le cumul qui fait la bombe de sucre.
« Bon » une notion toute relative selon les personnes, puisque l’équilibre ne s’établit pas sur un repas mais sur la journée, voire la semaine. On n’est donc pas obligé de caser à tout prix un laitage, une céréale et une portion de fruits comme on l’entend souvent : tout dépend de son appétit, de son rythme quotidien et de son appétence (sucré, salé…), des heures de repas (assez réglées, à l’école). Dans notre culture, le petit déjeuner est traditionnellement sucré, mais ailleurs, comme en Asie où j’ai vécu des années, il est courant de manger un bol de nouilles ou des beignets vapeur, remplis de haricots rouges, par exemple. Je ne vais donc pas vous proposer LE petit déj idéal, équilibré ou que sais-je : testez avec vos enfants ! Tant que vous partez sur des aliments non transformés non raffinés, non industriels, vous ne pouvez pas faire de grosses erreurs. Pourquoi pas, d’ailleurs, innover avec pain et fromage, par exemple, un muffin (maison) sucré ou salé préparé en grande quantité et congelé, une banane et du fromage blanc, un œuf sur le plat ? Partez de leurs goûts. La variété peut aider les enfants récalcitrants. Si vous complétez avec des produits industriels, régulièrement ou ponctuellement, lisez les étiquettes, évitez tout produit dont vous ne comprenez pas la liste d’ingrédients, et / ou dont la liste d’ingrédients contient du sucre parmi les 2 premiers ingrédients. Une règle cependant à ne pas oublier : bien s’hydrater, notre corps en a besoin le matin !
Evitez les produits industriels, et surtout de les cumuler, et suivez votre intuition. Testez. Vous verrez, ça ira mieux. Enfin, n’oublions pas « Tout est poison. Rien n’est poison. C’est la dose qui fait le poison. » Un produit industriel de temps en temps, ça n’est pas dramatique ! Tous les jours, c’est problématique !
2 réponses
Super article ! bravo pour avoir détaillé tout ça !! c’est vrai que toutes ces céréales sont bien tentantes ! Chez nous c’est fini sauf, un ravitaillement mensuel chez day by day. Mais à raison de 600 gr par mois, ça reste raisonnable !!
En vrai il faudrait passer au salé/protéiné mais hélas ce n’est pas totalement dans nos habitudes. A changer sans doute !!
Sans forcément changer toutes nos habitudes, c’est sympa de tester autre chose une fois de temps en temps. Il ne faut pas non plus se forcer.